Louise Wattinne — 1 février 2021
Interview de Olivier Longuet
Professeur de mathématiques au lycée Alain Chartier à Bayeux (14), Olivier Longuet propose sur son site internet BricoMaths d’associer les mathématiques avec le bricolage. Passionné de dessin, il réalise également des bandes dessinées pour illustrer des problèmes mathématiques. Ces deux projets sont deux manières très différentes d’aborder les mathématiques.
Je remercie Olivier Longuet d’avoir pris le temps de partager sa passion pour les mathématiques et ses différents projets.
Quand avez-vous eu l’idée d’associer les mathématiques avec le bricolage ou la bande dessinée ?
J’ai commencé mon métier de professeur de mathématiques en Seine-Saint-Denis. A cette époque, j’ai eu l’occasion de côtoyer François Gaudel (également professeur de mathématiques) qui réalisait des ateliers sur les polyèdres. J’ai adoré cette idée ! J’ai donc commencé à travailler sur les polyèdres dans un club de mathématiques, avant de prendre confiance et de créer mes propres réalisations. J’ai inventé des objetsavec des bouts de ficelles et des bouts de bois, j’ai même réalisé une planche de Galton (représentation d’une loi binomiale) ! C’est à ce moment que j’ai réalisé qu’avec peu de choses, je pouvais illustrer des théorèmes et des propriétés mathématiques et les faire manipuler aux élèves.
En ce qui concerne la bande dessinée, j’ai toujours aimé dessiner et ce qui m’intéressait c’était de me servir de ce support. J’ai découvert OuLiPo (Ouvroir de littérature potentielle, groupe de littérature innovante qui associe mathématiques et littérature) et l’OuBaPo (Ouvroir de bande dessinée potentielle). Je me suis rendu compte que les mathématiques peuvent se traduire dans chacune des cases de la bande dessinée. Au fur et à mesure, je me suis créé une collection de mises en page.
Comment choisissez-vous les propriétés mathématiques que vous allez illustrer ?
Je laisse faire le hasard et l’inspiration. Les propriétés géométriques se traduisent presque naturellement comme une articulation d’objets fixes et réels. Mon rôle dans les activités de bricolage est de faire le lien entre les propriétés et les objets.
Proposez-vous des activités de bricolage ou d’étudier des bandes dessinées en classe ?
Je propose des activités de bricolage à mes élèves une dizaine de fois par an. Je trouve que c’est une excellente manière d’entamer un chapitre. Ces activités engagent un débat et un moment d’échange autour d’une notion mathématique. Le cours devient vivant et surtout cela permet de partir d’un objet concret pour passer à une notion abstraite.
Par exemple, pour le chapitre sur les vecteurs, j’ai l’habitude de réaliser des vecteurs de 1 ou 2 mètres et de les poser en classe sur un carreau de carrelage (le carreau correspond au quadrillage d’un cahier). Je demande aux élèves de décomposer ce vecteur en combinaison linéaire de deux autres vecteurs. Pour trouver la solution, il y a différentes façons de procéder, différents outils à utiliser. La perspective du vecteur n’est pas la même avec un objet réel que sur un cahier et le fait que les objets soient de grande taille change la perception du problème.
Pour les cours, je réalise également des bandes dessinées de problèmes (les problèmes Dudu). Cette forme est abordable pour les élèves. Il suffit que les notions mises en jeu et les données soient claires. Puis je les fais débattre autour de la notion choisie. Je présente ces bandes dessinées sous la forme d’un diaporama d’images. Les élèves doivent donc trouver dans chacune des images les informations qui servent à résoudre le problème.
Quelle est la réaction de vos élèves quand vous proposez des activités de bricolage ou des bandes dessinées en cours ?
Je pense que j’ai un enseignement assez classique mais j’y incorpore ces deux spécificités. Je pense que les élèves apprécient réellement lorsqu’on s’investit personnellement et qu’on apporte une touche personnelle à sa façon d’enseigner.
Pour les élèves, les mathématiques sont uniquement une multitude de formules. Ils sont toujours étonnés lorsque je présente en cours des objets qui sortent de l’ordinaire. Une fois passé l’effet de surprise, ils sont touchés par cette initiative : ce type d’activité de bricolage leur parle et leur donne le sentiment que les mathématiques sont une matière vivante et amusante.
Pour finir, avez-vous une anecdote sur votre métier de professeur de mathématiques ?
Cette anecdote a un rapport avec les activités de bricolage que je propose. En juin 2010, en l’honneur de la coupe du monde de football et pour leur dernier jour de cours, j’ai proposé à mes élèves de seconde de réaliser un ballon de football géant dans la cour.
Ce jour-là, ils étaient tous déguisés (une tradition pour le dernier jour) et très dissipés. Tout le monde courait partout avec des baguettes à la main. C’était une catastrophe ! Habituellement, je réalise ce ballon en 15 minutes avec des élèves de 6ème. Là, il m’aura fallu près de 1h pour le construire avec eux.
Et pour couronner le tout, une de mes collègues a vu par la fenêtre que j’étais en train de réaliser une activité de bricolage. Intriguée par la réalisation de ce ballon, elle s’est invitée dans ma classe avec ses élèves, j’avais maintenant des spectateurs qui assistaient à cette débâcle !
Cette anecdote m’a permis de comprendre que les activités de bricolage et de réalisation d’objets ne pouvaient pas être faites à n’importe quel moment de l’année. Ce jour-là, ça n’a pas pris du tout. En plus, je suis sûr que c’est à cause de cette activité que la France a fait une si mauvaise coupe du monde : je ne leur ai pas porté chance !
Louise Wattinne — Responsable des opérations France
Louise a rejoint l'équipe NumWorks en juillet 2018 et elle a d'abord chouchouté les professeurs de notre communauté pendant 4 ans. Maintenant, Louise assure le bon développement de notre activité en France, quand elle ne participe pas à un triathlon ou qu'elle ne coud pas sa future robe